lundi 19 mai 2014

3615 Code Père Noel (Ouverture Festival d'Avoriaz 1990)

 




 A la fin des années 80, les films de genre francophones tentent une première percée. Des titres discrets et peu visibles qui ont pourtant essayé de faire bouger les choses, Baby Blood, Rabid Grannies, Adrenaline, Baxter, Gawin, Simple Mortel, Delicatessen, Lune Froide, Alberto Express, Bunker Palace Hotel ou encore L'homme qui voulait savoir ou Mister Frost (on oubliera volontiers toute les daubes psychotronics filmé dans cette période (Terminus, Coïncidences, L'unique, Diesel, Le secret de Sarah Tombelaine, Devils Story). Dans ce lot, un jeune metteur en scène, Rene Manzor passe le bizutage de second film après de longue année de gestation.
 
 
Le succés public du Passage (avec Alain Delon) ne l'empêche pourtant pas de galèrer à mettre en place son étonnant second film au titre aujourd'hui énigmatique, 36 15 Code Père Noel. Et à l'arrivé malgré le soutien de la presse fantastique, Mad Movie et L'écran Fantastique (gros dossier dans leur numéro consacré à Avoriaz), le film se prend une dérouillé magistral en salle et des commentaires acerbe de la presse général se font légion, un échec tempéré néanmoins par le succès du film en vidéo et qui permettra in fina une courte incartade du réalisateur au States en participant à la série (Les aventures de Jeunes Indiana Jones).

 
 
Alors pourquoi la critique a t il boudé le film à ce point alors qu'il reste sans conteste un des grandes réussites du cinéma français du début des années 90 ? Pourquoi le film a t il autant dérangé les ligues catholiques diverses alors que la violence du film est finalement très soft ? Facile. Il suffit juste de lire du titre du film pour devenir la note d'intention du réalisateur qui exposait  la contradiction explicite entre une certaine mythologie enfantine et familiale et sa finalité idéologique et capitaliste.



Voici un extrait de L'écran Fantastique N°111 de l'interview de Rene Manzor où il décrit à travers un discours censé et argumenté l'approche subtile de son film.

"Tu ne sais la difficulté qu'on a pour sortir ce film, en dehors des sentiers battus. On a des pressions terribles. Parce qu'on touche à un mythe qui est le dernier tabou. Le père Noel, c'est le dieu laique, un dieu de substitution. C'est à dire que la société laïque a inventé un dieu et ce n'est pas pour rien qu'elle a été choisi le 25 décembre qui est la naissance du dieu chrétien pour lui substituer le dieu de la consommation."

"En gros, les enfants doivent croire au Père Noel, tous les enfants, toutes races confondues. Et un jour ils doivent ne plus y croire pour devenir un homme. Les parents sont victimes de ce système. C'est le pouvoir de la société par la culture, l'éducation, la propagande."



Un discours offensif  de la part du cinéaste et qui permet d'assoir son film  non pas dans le slaher de série b rigolote comme Douce nuit, sanglante nuit, mais plus globalement dans le film de genre qui réinterroge la place du merveilleux et des légendes dans une société basé sur la consommation. Et pour incarner cette démarche, quoi de mieux que de transformer, voire d'incarner de manière allégorique le Père Noel en une sorte de maniaque primaire fou.


De la même manière, il est évident que la naissance ce Père Noel maléfique ne puisse s'opérer symboliquement dans un grand magasin de jouet et il est tout aussi naturel (en toute improbabilité) que celui-ci s'en prend directement à un gosse riche, isolé dans un vaste château et de surcroit, fils de la directrice du grand magasin de jouet de Paris, le seul qui croit encore à la magie du Père Noel. Balayant d'un revers d'un revers de la main les ficelles visibles de sa thématique, toute la première partie du film joue entre le caractère enfantin et pure dans la croyance d'une légende à la logique imparable qui conduit une fête de Noel à une vaste opération de mensonge et duperie commercial. La mère de garçon lit au petit déjeuner un journal au titre explicite 'Investir'. De la même manière, lors du meeting, elle annonce une grande opération de communication et de dumping commercial (tout le monde doit se déguiser) pour lutter contre l'incroyance des enfants. Et qui dit perte de croyance dit en vérité perte de profit et de jouer à vendre....




La première séquence du film est d'une logique imparable. On y voit une boule à l'atmosphérique magique avec ses flocons de neige artificiel. Soudain, elle explose sous une roue et le plan suivant, on voit un camion de poubelle passé devant le panneau 3615 code Père Noel. En gros, la magie de Noel, c'est de la foutaise, un trompe l'œil qu'il faut jeter à la poubelle et qui cache sa nature mercantile sous un merveilleux de façade. Et tout le reste du film suit cette idée de factice, de faux, de manipulation. La mère utilise un stratagème mensonger pour inciter son fils à croire à Noel, son copain le met en gardecontre l'utilisation du minitel. Quant au héros du film, il est présenté dès le début comme un personnage plein, entièrement naif et son génie naturel (et à ce titre, le film s'inscrit tout à fait dans la vague de Teen Movie Fantaisiste des années 80) ne cache pas en vérité une capacité exemplaire à la toute puissance du merveilleux. Dans sa scène de présentation, le garçon simule un rituel guerrier issu des films sortis à l'époque, Rambo 2 et Commando en tête tandis que la bande son joue la partition de Rocky. Et ce sera d'ailleurs cette arme symbolique qui lui permettra d'affronter et de battre dans la pure tradition du conte cette ogre destructeur.

 






On comprend mieux le malaise des parents face au film puisque l'enfant utilise son propre chant de l'imaginaire, ici le cinéma guerrier, pour affronter symboliquement la figure du monstre. A partir de là, vous comprenez que la logique du récit se situe jamais du coté de la vraisemblance (ou du réalisme) mais du coté de la cohérence de son propos. C'est dans ce terreau qui se situe l'ambiance du film; dans une sorte de fantastique décalé qui permettra au réalisateur, passé les scènes d'exposition,  de s'inscrire dans une certaine tradition du fantastique poétique à la française à l'image de son fabuleux décors de château labyrinthique.
 

 

 
 Mais avant d'affronter l'ogre destructeur, l'enfant doit perdre son innocence, sa pureté et à ce titre la scène de la cheminée ou l'enfant assiste à l'arrivée du Père Noel est force évocatrice imparable. Mais c'est avant que le faux Père Noel tue le chien d'un coup de coteau devant les yeux horrifiés de notre infortuné héros. La suite du film montre la lutte sans merci du garçon tentant d'échapper au tueur en utilisant la château comme un vaste espace de jeu. Alors certes, l'enjeu est mince mais le réalisateur use parfaitement tout les aspects de son récit pour déployer une action et un suspense parfaitement dosé et orchestré. Le décor du château et ses multiples pièces, pièges et chasse trappe renforce le coté merveilleux du film. Et comme tout héros de conte, celui-ci passe littéralement par toute les étapes, victime, combattant, conquérant, survivant. Et à la fin, un cri rageur. A la fin film, il n'est plus le même garçon et ce n'est pas le réconfort de sa mère venue le sauver qui changera la donne ! JMM. 5/6.





 
Extrait et bande annonce du film

 
 
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