lundi 14 avril 2014

DEMAIN LES MOMES

Demain les Mômes


Dimanche, le 12 avril 2014.

Film d'anticipation. France. Réalisé par Jean Pourtalé, avec Niels Arestrup et Emmanuel Beart. 5/6

Synopsis : En une nuit, le destin de l'humanité va basculer. Un son horrible et puissant et tout le monde s'écroule. Quelques survivants tentent de survivent. C'est le cas de Philippe et Suzanne. Ils mènent un vie assez routinière et paisible dans une ferme isolée. Suzanne s'ennuie et s'occupent du jardin. Le jour, Philippe tente des raides dans les grandes villes pour s'approvisionner tandis que la nuit, celui-ci, reste rivet à son émetteur radio espérant entendre  d'autres survivants. Un jour des pillards attaquent la ferme et Suzanne est sauvagement assassinée. Fou de douleur, Philippe se prépare à partir lorsque d'étranges enfants viennent vivre dans la grange tout près de la ferme. Pour Philippe l'espoir renait et bientôt le groupe d'enfant s'agrandit. Etrangement muet en sa présence, Philippe va leur apprendre comment vivre (comment conduire un tracteur, comment utiliser des armes, comment se soigner). Plein de bonne volonté, Philippe se heurte pourtant à un véritable mur et rapidement le comportement des enfants va se révéler extrêmement malsain.


Les films d'anticipations en France sont rares ! Les films d'anticipations réussis ? C'est encore plus rare, on peut les compter sur le doigt d'une main. Demain les mômes fait malheureusement partie de cette race de film 'en mode danger de disparition'. Car comme c'est souvent le cas, l'histoire du cinéma français s'est fait un devoir de l'ignorer, pire de l'oublier. Hormis un article enthousiaste dans le N°1 de L'écran Fantastique, la notule de Jean-Pierre Andrevon dans son récent ouvrage, Demain les mômes est un immense point d'interrogation. On sait quasiment rien sur la genèse du film et le parcours de son réalisateur Jean Pourtalé se limitera à un second film tout aussi oublié (5% de risque, 1980) et la grande curiosité du film, le point d'entré serait-on de dire, pour une éventuelle reconnaissance, se limiterait à la mou déjà ravageuse de Emmanuelle Beart en gamine pas net et la place de Niels Arestrup dans notre récente cinématographie nationale.


 
Pour faire court, Demain les mômes convoque, deux thématiques bien identifiables et en général très appréciés des cinéphiles. La première partie s'inscrit dans une des grandes thématiques des films post apocalypse américain des années 50 et 60 (Cinq survivants, Panique années 0, Je suis une légende, Le monde, la chair et le diable, Terre Brulée). En gros, le monde est détruit et l'argument centrale du genre, c'est simplement de comprendre de quel manière des hommes dits civilisés peuvent devenir des bêtes sans foi ni loi. La courte incartade de Philippe dans une ville déserte et sa tentative d'élimination par un sniper caché est significatif d'un monde où la mort peut frapper à tout moment. D'ailleurs, c'est au cours d'une attaque de pillard, où Philippe impuissant assiste à la mort brutale de sa femme que le film bascule définitivement dans une autre direction. Pour des raisons de budget et de moyen technique, Jean Pourtalé limite la dimension urbaine et se limite à quelques incursions au début du film (on image facilement l'énorme difficulté la mise en place de ces séquences), pour une approche champêtre, campagnard (typique des petits budgets) un peu dans la même lignée que Malevil de Christian de Challonge. Au delà de ses questions économiques et de fabrication de film, le recentrage du film dans un huis clos (la ferme de Philippe) devient une sorte d'espace utopique où l'illusion d'un cadre serein, calme et sans danger va voler en éclats avec l'intrusion des pillards et plus tard de ce groupe d'enfants sortis de nulle part. Si la mise en scène n'est pas sans défauts, Jean Pourtalé garde le cap avec des cadres bien construits, des mouvements d'appareils discrets mais chargés d'émotions retenu. La rigueur dans la construction du scénario et l'évolution de ses personnages permettent rapidement  au réalisateur de se débarrasser de son image de film d'anticipation fauché pour une interprétation original du genre. Moins spectaculaire que ces voisins de productions de l'époque (New York ne répond plus, Le survivants), Demain les mômes n'en demeure pas moins ambitieux et reste à ce jour l'interprétation la plus cohérente et étonnante de l'ouvrage culte de Richard Matheson 'Je suis une légende'.



La seconde thématique du film, c'est bien sur, les enfants maléfiques. Rien de nouveau à priori, le fantastique (Les Innocents) et la science fiction (Le village des Damnés, The children) ont souvent traité ce sujet au cinéma. Mais son usage reste toujours percutant. L'arrivée de ces "mômes" se fait en toute quiétude. Pas de danger, juste des gamins, en quêtent d'un toit et de nourriture. Le groupe grandit rapidement et devient une sorte d'entité irréelle, image d'autant plus fugitive que Philippe (en parfait observateur) ne fait que percevoir des sons lointains et des images flous (le feu de camp, des enfants prennent de l'eau dans un puits la nuit noire).



(ATTENTION SPOILERS)
L'arrivée de ses enfants et leurs organisations sociales resteront une vaste énigme pour Philippe qui profite d'un accident pour se rapprocher d'eux et tenter un échange (un enfant se blesse en tombant d'un toit). Pas de leaders, pas de réel émotion, pas de projet, ni d'esprit communautaire. Ce ne sont pas des mutants, des monstres, des extra-terrestres. Les enfants sont juste là. Pour Philippe, après la mort de sa femme, cette présence est avant tout un signe d'espoir (il n'est plus seul) et peut se projeter vers l'avenir (il se sent investi d'une mission). Par la force des choses, Philippe devient une figure quasi patriarcale et son action repose sur une utopie (la civilisation n'est pas éteinte et les enfants seraient le garant d'une nouvelle l'humanité retrouvé). A partir de là, Jean Pourtalé multiplie les séquences d'apprentissage où Niels Arestrup, touchant, dans sa quête, se heurte inlassablement à des enfants mutiques totalement indifférent à la notion d'Histoire, d'Echanges, de Communication.



Et c'est là que le film Demain les mômes trouvent sa véritable force et tension. Le malaise de Philippe se fait de plus en plus palpable. Ses sentiments évoluent, son enthousiasme déchante, et il passe rapidement de l'incompréhension, à la frustration pour arriver à la colère dans une scène très forte où toute la détresse de Philippe se fait jour. Enfin, la peur, direct où Philippe comprend enfin son véritable rôle dans cette tragi-comédie. Si ses mômes dérangent au fond, c'est parce qu'ils refusent tout ce que Philippe avait entreprit de leur apprendre : l'éducation, l'histoire, la civilisation. C'est là que la référence à Matheson se traduit dans le récit de manière subtil. En tentant de leur donner son savoir et son instruction, Philippe devint l'objet de sa futur destruction, l'instrument décisif de leur prise de pouvoir d'un nouveau monde. Le final, incroyable, sur une plage est d'une implacable noirceur. Plus de doute, Philippe est devenu une 'légende'. JMM. 5/6.


 

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